Dungeons and Dragons Online: Stormreach


Volume approximatif : 500 000 mots (pack de départ uniquement).

Participation en tant que : coordinateur linguistique.

Difficultés particulières : d’une part, rester cohérent non seulement au fil de la traduction, mais aussi respecter la terminologie officielle de la licence Donjons & Dragons, soit un énorme glossaire de plus de 15 000 entrées.

D’autre part, DDO est un jeu riche en concaténations comme la plupart des MMORPG ; il faut donc utiliser unmétalangage complexe permettant de gérer toutes les inflexions grammaticales propres au français. Ainsi la simple phrase « La porte est bloquée » nécessite-t-elle d’être écrite :

#1:{Le [m]|La [f]|L'[v]|Les [p]| [n]}#1:$TARGET$ #1:{est[!p]|sont[p]} #1:{bloqués[mp]|bloquées[fp]|bloqué[m]|bloquée[f]}.

… où la variable $TARGET$ appelle la chaîne « porte », définie autre part dans le fichier en tant que nom commun [!n] féminin [f] singulier [!p] qui ne commence pas par une voyelle ou un H muet [!v]. En se basant sur ces marquages, la variable appelle donc à son tour l’article approprié (« La ») et la forme verbale correcte (« est » – « bloquée »). Bien sûr, cette même chaîne peut produire de nombreuses valeurs différentes, par exemple « L’accès est bloqué« , « Les portes sont bloquées« , etc. L’important est de marquer correctement chaque valeur pouvant être appelée avec les balises appropriées.

Enfin, traduire un jeu orienté medieval fantasy implique de choisir une stratégie de traduction pour les noms propres et noms de lieux : vaut-il mieux les garder en anglais quitte à ce que le sens qu’ils véhiculent soit perdu, ou leur donner une traduction plus ou moins littérale en sacrifiant leur sonorité finement ciselée par le développeur ? Chaque camp a ses adeptes et ses détracteurs et le débat à ce sujet est souvent houleux sur les forums.

Pour ma part, j’ai utilisé dans DDO une troisième solution qui évite les écueils des deux précédentes : traduire les noms en utilisant des racines d’ancien français. Ainsi le sens est préservé mais sans être trop apparent ; pour le joueur un tant soit peu linguiste dans l’âme, c’est alors un jeu dans le jeu de retrouver la signification originale de chaque nom, tandis que la sonorité prend un cachet archaïque très approprié à ce genre d’univers.

Prenons par exemple le nom Gerald Goodblade. Il s’agit de l’un des premiers PNJ que rencontre le joueur, PNJ qui par la suite le dupera. Ainsi le nom Goodblade a clairement vocation de mise en garde puisqu’il insiste sur le caractère roublard du personnage. Garder l’anglais serait donc perdre totalement ce sous-entendu ; à l’inverse, traduire le nom en quelque chose comme Bonnelame ou Finelame restituerait certes le sens, mais avouons que c’est une traduction franchement pataude, qui « sonne traduit » et saborde l’immersion du joueur.

Ma traduction de ce nom a été Gérald Adestre, de l’ancien français adestre signifiant « adroit », « habile ». Le sens est bien là, mais il n’est pas immédiatement perceptible. Et c’est bien le but : ce caractère ésotérique et élégamment désuet renforce l’immersion du joueur au lieu de lui nuire.